dimanche 4 décembre 2011

Depuis que le gouvernement s’est engagé à aller au delà des textes existants en « généralisant l’utilisation de formats ouverts dans l’administration », les représentants de Microsoft France sont particulièrement actifs pour diffuser des contre-vérités à propos de leurs formats propriétaires de bureautique. Revenons donc sur ce qu’est un format ouvert et les inexactitudes avancées par Microsoft à propos de ses formats bureautiques.

Les définitions juridiques des formats ouverts

Si les formats ouverts ont été introduits par des organisations communautaires ayant standardisé les protocoles utilisés par Internet (IETF), ils ont été définis juridiquement en 2004 aussi bien en France qu’au niveau Européen.

Dans sa loi sur l’économie numérique, la France définit les standards ouverts comme : « tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre », ce qui induit que ces formats ne peuvent être soumis à des restrictions de type copyright ou brevet logiciel.

Dans son cadre général d’interopérabilité v1, l’Europe est allé un peu plus loin en définissant un format ouvert comme devant répondre à quatre critères :

  • « Le standard est adopté et sera maintenu par une organisation sans but lucratif et ses évolutions se font sur base d’un processus de décision ouvert accessible à toutes les parties intéressées (consensus ou vote à la majorité, etc.) » ;
  • « Le standard a été publié et le document de spécification est disponible, soit gratuitement, soit au coût nominal. Chacun a le droit de le copier, de le distribuer et de l’utiliser, soit gratuitement, soit au coût nominal » ;
  • « La propriété intellectuelle – c’est-à-dire les brevets éventuels – sur la totalité, ou une partie, du standard est irrévocablement et gratuitement mise à disposition » ;
  • « Il n’y a pas de restrictions à la réutilisation du standard. »

Les promesses n’engagent…

Comme nous venons de le voir, l’Europe impose qu’un standard ouvert soit maintenu par une organisation à la gouvernance ouverte, ce n’est pas le cas pour Microsoft.

De plus, Microsoft affirme que sa promesse publiée en 2006 rend ses formats compatibles avec les définitions françaises et européennes. Ce n’est malheureusement pas le cas.

« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » disaient Jacques Chirac et Charles Pasqua en 1988. La promesse de Microsoft ne représente, en droit européen, en rien un abandon des droits que la société américaine possède sur ses formats bureautiques. Quelques mois seulement après la publication de sa promesse, la société de Redmont a d’ailleurs annoncé vouloir attaquer en justice des informaticiens souhaitant permettre à leurs utilisateurs de lire les données capturées dans des .doc ou .xls pour la création d’OpenOffice. La firme américaine arguait détenir notamment des brevets logiciels sur ces formats de données, propriété antinomique avec les fondamentaux des formats ouverts.

Il faut noter, de plus, que la promesse de Microsoft ne porte que sur le format OOXML (.xlsx .docx …) et non sur tous les formats bureautiques qu’ils détiennent, notamment les versions antérieures (.xls .doc …).

Un standard ISO n’est pas un format ouvert

Second argument de Microsoft, les formats de leur suite bureautique ont été standardisés par l’ISO. Si cela est vrai pour leur format OOXML, ce n’est pas le cas de tous les formats bureautiques qu’ils détiennent (par exemple Word et Excel 1998 encore très largement utilisés). De plus, si la France et l’Europe ont souhaité intégrer une définition des formats ouverts plutot que d’utiliser des références aux standards ISO, c’est justement parce que ces derniers ne satisfaisaient pas le législateur.

L’histoire de l’informatique a vu beaucoup d’entreprises être à l’origine de formats ouverts. Microsoft pourrait très bien, si elle le souhaitait, rendre compatible ses formats bureautiques avec les définitions des standards ouverts. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. Microsoft a donc fait le choix de disqualifier ses formats de l’administration française depuis que le gouvernement a souhaité que tous ses ministères généralisent l’usage des formats ouverts.

Rappelons enfin qu’il est tout à fait possible de lire des fichiers CSV avec les logiciels de Microsoft tandis qu’il est très complexe de réaliser des applications à partir de fichiers XLS. Lorsque ces logiciels sont employés par l’administration, le simple souci d’interopérabilité suffit à illustrer la nécessité d’enregistrer alors les fichiers en CSV ou tout autre format ouvert (Open Document, RDF, …).


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