mercredi 30 mars 2011

Au cours de l’année passée ce sont pas moins de 4 palmarès de députés qui ont été dévoilés : le second classement annuel LesInfos.com du journaliste Vincent Nouzille ; l’assez opaque top 25 relayé par Le Figaro à partir des travaux d’un cabinet de lobbying ; le classement annuel de Lyon Capitale ; et aujourd’hui un nouveau classement proposé par L’Expansion à partir des données extraites de NosDeputes.fr. Suscitant souvent la polémique comme l’a montré le récent débat sur la quantification parlementaire, ces classements existent depuis la fin des années 70 et sont devenus des exercices médiatiques réguliers depuis 2006.

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Dessin illustrant le palmarès des députés publiés par Le Point du 02/01/78

Historique et méthodes de classement

Alain Brouillet
Photo d’Alain Brouillet, fondateur de
l’IMAP, dans Le Point du 02/01/78

Une recherche bibliographique à travers les archives sur microfilms de la BPI permet de retrouver dans les années 70 ce qui semble bien être l’un des premiers exercices de classement parlementaire. Alain Brouillet, doctorant en sciences politiques à la Sorbonne passionné par les travaux parlementaires, crée en 1977 l’Institut de Mesures de l’Activité Parlementaire (IMAP). Ses travaux suscitent alors plusieurs gros dossiers dans la presse hebdomadaire (Le Point du 02/01/78, L’Express du 10/07/78, Le Monde Diplomatique de mai 1979 et les Nouvel Observateur du 18/06/79 et du 06/10/80).

À partir d’une lecture minutieuse du Journal Officiel, cet institut dénombrait quotidiennement à la main une quantité impressionnante d’informations : nombre de pages de rapports rédigées, évaluation du travail budgétaire ou de contrôle, … En sélectionnant des critères judicieux et ajustés de coefficients savamment réfléchis, l’IMAP proposait ainsi les premiers outils d’évaluation de l’activité parlementaire des députés. Déjà, comme l’essentiel des palmarès produits depuis, ces classements se refusaient à prendre en compte le travail en circonscription des élus : ce travail est par nature dissocié de l’activité législative et de contrôle des parlementaires et la représentation par un député des préoccupations locales se retrouve nécessairement dans ses travaux parlementaires.

Quelque peu passés de mode dans les années 90, les classements subsistent un temps à l’initiative seule de groupes de pression indépendants. Ceux-ci se focalisent sur des thématiques les concernant : contribuables, catholiques, internautes, … Le mouvement reprend médiatiquement en 2006 : alors que le journaliste Vincent Nouzille cosigne un livre sur l’influence des lobbies au Parlement, « Députés sous influences », il complète son enquête d’une évaluation de l’activité des députés publiée dans L’Express à partir des informations du site de l’Assemblée.

Plus récemment, afin d’investiguer l’éventuel impact du cumul des mandats sur l’activité parlementaire, diverses études universitaires ont vu le jour à partir de traitements informatisés. Mais qu’elles viennent de la recherche ou des médias, ces études font inévitablement l’objet de débats : la mesure correcte du travail d’un député est un exercice difficile.

L’inévitable subjectivité des grilles de classement

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Critères d’évaluation du travail législatif employés
pour le palmarès publié par Le Point du 02/01/78

La collecte automatique des données du Journal Officiel et du site de l’Assemblée nationale nous permet aujourd’hui de dévoiler et mettre à disposition des jeux de données d’une grande richesse. Avec sa synthèse, NosDeputes.fr en propose une sélection : interventions en séance et commissions, présences, amendements, questions, rapports, propositions de loi, … Réaliser un classement suppose de choisir parmi tous ces critères et de définir l’importance de chacun. Mais lesquels favoriser ? Comment définir les éléments à mettre en valeur sans risquer de favoriser ou dévaloriser certaines méthodes de travail ? Prendre en compte par exemple le nombre d’amendements signés favoriserait automatiquement l’opposition, plus prompte à modifier le texte du gouvernement. À l’inverse, le nombre d’amendements adoptés donne nécessairement l’avantage à la majorité, plus apte à faire voter ses dispositions.

Les interventions d’un député en hémicycle ou en commission constituent sans doute son travail le plus palpable : en plus de mettre en valeur des prises de position, elles peuvent être révélatrices d’un travail de fond sur les amendements, les rapports ou les propositions de lois. À l’opposé, bien qu’elle reflète assurément un soutien politique, la seule signature de questions écrites ou d’amendements est un travail difficile à évaluer : leur préparation est souvent dévolue aux assistants parlementaires et un parlementaire peut parfois se contenter de suivre l’avis de son groupe politique ou de relayer les textes d’un groupe de pression.

Comment prendre en compte alors de tels éléments ? À Regards Citoyens, nous pensons que ce n’est pas notre rôle de trancher. NosDeputes.fr vise avant tout à donner accès aux informations brutes, à mettre en valeur le fond des débats et à favoriser l’émergence d’expertises citoyennes. Établir une grille d’évaluation est un exercice difficile et nous estimons que ce travail doit rester à l’appréciation et la compréhension de chacun. Nous avons donc choisi sur NosDeputes.fr de ne pas proposer de tel classement. La synthèse sur 12 mois glissants proposée permet simplement d’ordonner les députés en activité en fonction d’un seul critère au choix.

Un accès large aux données pour faire fleurir études et applications

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Infographie réalisée pour le classement
publié par L’Express du 10/07/78

Pour autant, nous sommes convaincus que ces données peuvent être sources de nombreuses analyses passionantes quant au fonctionnement du parlement ou de l’élaboration de la loi. En fervents partisans de l’OpenData, nous redistribuons donc librement l’ensemble de ces données pour permettre à quiconque de les réutiliser. Nous encourageons donc vivement chacun à les reprendre : il suffit pour cela de citer la source et l’origine (NosDeputes.fr à partir de l’Assemblée nationale et du Journal Officiel) et de rediffuser les données modifiées.

Ainsi, les données brutes extraites de NosDeputes.fr qui ont servi pour le classement établi par L’Expansion d’une part, ou pour la liste des cumuls de mandats de Slate.fr d’autre part, sont mis à la disposition de chacun. Afin de permettre à tous de mener de nouvelles études, nous rediffusons également au format SQL (un standard de base de données) l’ensemble des informations de NosDeputes.fr mensuellement. D’une manière générale toutes nos données sont disponibles par l’intermédiaire de la page « Nous Télécharger ».

Pour permettre à chacun de développer ses propres applications innovantes à partir de données sur les députés, nous travaillons depuis quelques temps au développement d’une API (interface de programmation d’applications) permettant de récupérer les informations de NosDeputes.fr à partir de simples adresses web. Ce travail mérite encore d’être mieux documenté mais il est d’ores et déjà disponible et accessible à tous dans trois formats : csv (pour les tableurs), xml et json (pour les applications web) :
https://github.com/regardscitoyens/nosdeputes.fr/blob/master/doc/api.md.

Nous espérons que cela pourra nourrir la créativité de chacun et donner naissance à de nouveaux projets sur l’Assemblée ! N’hésitez donc pas à nous faire part de toute suggestion ou remarque en vue d’améliorer, corriger ou compléter cette API.


Une réponse à “Retour sur les palmarès de députés : historique, méthodes et données”

  1. Roussel dit :

    Bonjour, si je peux me permettre je vous fait part de mon point de vue. On parle de représentativité, mais il me semble que nos députés sont élus pour nous remplacer et non pas nous représenter. Merci

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