mercredi 30 mars 2016

En démocratie, faire part de son point de vue auprès des décideurs publics devrait être normal dès lors que la transparence et le pluralisme sont assurés. En France, ce n’est malheureusement pas le cas. Le projet de loi Corruption présenté ce matin par le gouvernement était l’occasion de répondre aux espérances des institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption [1] comme de la société civile [2]. Il est malheureusement très loin des attentes en matière de transparence et de réglementation du lobbying. Après plusieurs dizaines d’années d’inaction, il est temps que le législateur s’empare de la question du lobbying de manière ambitieuse.

Si le gouvernement veut confier à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) un registre du lobbying, il n’est prévu en réalité pour celui-ci qu’une simple liste de noms dépourvue de toute information réelle sur les activités ou moyens des lobbyistes. Discrétionnaire, ce registre n’incluera par ailleurs aucun acteur public ou syndicat, acteurs pourtant au cœur de l’accompagnement législatif en de nombreux domaines. Autant dire que le gouvernement souhaite faire de la HATVP l’éditeur d’un annuaire commercial offrant des espaces publicitaires à quelques cabinets « experts de l’influence ».

Comme en témoignait notre étude réalisée avec Transparency International France en 2011, le lobbying doit non seulement être réglementé, mais les acteurs du lobbying doivent jouer le jeu de la démocratie en déclarant de manière obligatoire et transparente leurs moyens, leurs activités et leurs sources de financement. Plusieurs de ces recommandations sont déjà en place au Parlement Européen, au Québec ou même à l’Assemblée nationale française. Pourtant la cible des plus nombreux lobbyistes, l’exécutif et les administrations centrales devraient-ils se contenter d’une coquille vide ?

Alors que plus de 80 000 citoyens ont apporté leur soutien à la pétition « Pour que les pratiques des [lobbys] soient strictement encadrées » lancée il n’y a que quelques semaines, Regards Citoyens appelle les parlementaires à se saisir du projet de loi Sapin pour imposer à l’exécutif une réglementation stricte du lobbying associée à un registre public obligatoire et exhaustif contenant activités et dépenses.

Notes :

[1] Le Service Central de la Prévention de la Corruption a alerté à plusieurs reprises des « dangers d’instrumentalisation de la décision publique par le lobbying » (rapport annuel 2001 citant ceux de 1994 et 2000). Quant au rapport Nadal, il recommandait la « création d’un registre obligatoire » faisant « apparaître l’empreinte normative ». Enfin, la nécessité de définir la représentation d’intérêts est l’un des 10 principes pour la transparence promulgués par l’OCDE.

[2] « Il est temps de réglementer le Lobbying » appel d’une trentaine d’associations et lanceurs d’alerte initié par Regards Citoyens en 2013 ; « Pour un registre obligatoire des lobbyistes en Europe ! » appel de près de 300 ONGs européennes et plus de 3000 citoyens initié par AlterEU.


Une réponse à “Loi Sapin : Le lobbying a besoin de réglementation, pas d’un annuaire publicitaire”

  1. Hauquin Anne-Marie dit :

    Oui à publier et obtenir la déclaration des fonds mais le mal du siècle c’est la circulation de la monnaie.
    Voir en France le commerce et les tickets délivrés en contre-partie qui doivent mentionner, la date, le numéro de facture et le n° de Siret or si vous réglez en espèces sonnantes la remise d’une véritable pièce comptable n’existe pas systématiquement. La dénonciation des caisses enregistreuses pas règlementaires n’a pas changé au détournement de recettes, bénéfice donc impot sur le revenu. Puis des valises de liquide partent à l’étranger, pour dépôt sur un compte dans un paradis fiscal. Les banques participent à 99 % à la fraude, tant dans les mouvements de liquides que dans les transferts. Véritables ponts pour les entreprises exportatrices qui ne rapatrient pas forcément la totalité de leur vente dans le pays d’origine, mais en faisant transférer une partie dans un paradis fiscal. Ce n’est donc pas A exportateur qui transfère sur son compte offshore mais B son client à l’étranger. Brouillage de piste.

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