jeudi 17 décembre 2009
Au Sénat le 14 décembre 2009
Au Sénat le 14 décembre

Nous avons publié lundi matin une étude d’impact de la nouvelle carte électorale proposée par le gouvernement, alors que le texte entrait en discussion au Sénat dans l’après-midi. Une bonne occasion pour nous pencher sur le fonctionnement de la Haute Assemblée, moins connu que celui du Palais Bourbon. Premier constat : les discussions sont plus feutrées et les sièges plus confortables, mais les débats pas moins clivés. D’un côté, la gauche soulignait le non-respect de l’intercommunalité, le peu de fraicheur des données utilisées ou la non prise en compte de certaines remarques du Conseil d’État ; de l’autre, la droite valorisait le travail de fourmi réalisé par le Secrétaire d’État, rappelait la promesse présidentielle de donner une voix aux Français résidents à l’étranger et soulignait l’exigence du Conseil Constitutionnel de procéder à ce redécoupage. On se croirait donc à l’Assemblée nationale… à une exception près : les votes.

L’usage des scrutins publics est en effet beaucoup plus fréquent au Sénat qu’à l’Assemblée. Une volonté d’exprimer clairement les votes de chacun ? Pas si sûr : à chaque scrutin, une demie-douzaine de sénateurs quittent leur fauteuil pour aller voter en apportant chacun aux huissiers une pile de votes pour les votants de son groupe. Ils sont rejoints par les sénateurs non-inscrits et éventuellement ceux souhaitant voter différemment de leur formation. Ainsi, pour la majorité des votes, sont exprimées les voix de tous les sénateurs présents en séance… ou pas.


Un exemple de vote
par groupe au Sénat

Lundi à 20h30, surprise générale : le représentant du Nouveau Centre, se trompe et fait voter l’ensemble de son groupe pour un amendement proposant la suppression de l’article unique. L’amendement est alors adopté à 167 voix contre 156 et le texte se retrouve sans article. Il se voit donc rejeté. Cette erreur du sénateur met en lumière une organisation des votes assez originale et illustre bien les dangers qu’elle peut représenter. Mais ce mode de scrutin est-il conforme au règlement de la Haute Assemblée ?

Benoit, un de nos membres, a creusé la question. L’article 63 du règlement indique que les « sénateurs ne sont autorisés à déléguer leur droit de vote que dans [six] cas ». L’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 ajoute que cette délégation n’est autorisée qu’à titre exceptionnel. L’article 64 stipule, de plus, que les sénateurs sont tenus d’informer le Président des motifs de leur délégation de vote, et celui-ci peut choisir de les autoriser ou non. Enfin l’article 27 de la Constitution, indique que « nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. ».

En supposant que toutes ces règles aient été respectées, cela signifie que 162 sénateurs au moins étaient présents lors du vote, et que chacun disposait d’une délégation. Il est évident que nous n’avons pu compter autant de sénateurs sur les brefs plans larges diffusées en direct par le Sénat. Il est tout à fait possible qu’ils l’aient été. De plus, chaque délégation devrait avoir être motivée et validée par la présidence du Sénat. Benoit a donc décidé d’en avoir le cœur net et a écrit le 16 décembre un courrier au Président du Sénat pour lui demander des précisions. Ces informations permettraient de vérifier la conformité du scrutin et d’accréditer le bon fonctionnement de la Haute Assemblée.

Ce fâcheux incident a tout de même eu des conséquences heureuses. Le rejet temporaire du projet de loi offre une plus large visibilité au redécoupage électoral, et donc à notre étude. Des centaines de citoyens se sont penchés sur notre méthode et nos données. Leurs remarques précises ont permis de valider les tendances que nous dessinions et d’affiner nos chiffres sur deux circonscriptions dont les bureaux de vote étaient particulièrement difficiles à géolocaliser : la Réunion et la Haute-Garonne. Nous avons donc mis-à-jour notre étude en conséquence : nous espérons qu’elle alimentera les débats programmés pour reprendre à l’Assemblée nationale au mois de janvier.

Complément d’information : Comme l’avaient révélé des travaux passés de Benoit et Pierrick, la question de la conformité des scrutins au Sénat avait déjà été soulevée par des parlementaires à l’Assemblée comme au Sénat.


3 réponses à “Du bon usage du règlement : l’apport du découpage…”

  1. authueil dit :

    Amusant. Je suis curieux de voir comment ce courrier va être traité…

  2. tonfa dit :

    Bien reçu l’accusé de réception, attendons de voir la réponse.

  3. […] Dernier détail croustillant, suite au rejet du redécoupage électoral par erreur par le Sénat faute à un mode de scrutin anachronique où un individu vote pour tout son groupe, « Regards Citoyens » a envoyé une lettre au président du Sénat bien senti concernant ce fameux … […]

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