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jeudi 27 novembre 2014

Vote supprimant la publication
des délégations de vote

Les députés ont-ils peur d’assumer leurs votes ? C’est la question qu’on peut se poser à l’issue d’une soirée de débats sur la réforme du règlement. Alors que la commission des lois avait voté la semaine passée en faveur d’une réelle transparence des votes en rendant notamment les délégations publiques au Journal Officiel, les députés ont finalement supprimé cette disposition mercredi soir : il restera donc impossible de savoir quels parlementaires étaient présents ou non lors des scrutins publics, informations pourtant disponibles dans de nombreuses collectivités territoriales françaises et parlements européens.

Les députés du Parti Radical de Gauche, largement habitués à batailler contre la transparence démocratique, sont à l’origine de cette suppression, portée par Olivier Falorni qui fut subrepticement rejoint en séance par plusieurs radicaux pour les quelques minutes du vote.

Seuls les présidents du groupe écologiste, François de Rugy, et de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, ont tenté de sauver cette disposition.

Alors qu’il y était favorable en commission, René Dosière a fait marche arrière et défendu de manière surprenante au nom du groupe socialiste la position pro-opacité. Sans réel rapport avec le sujet des délégations, ni aucune conviction manifeste, ses arguments autour des décisions collectives des groupes laissaient pantois. Les socialistes craignent vraisemblablement que la publicité des délégations révèle une pratique peu avouable : pour maintenir sa faible majorité, le groupe SRC doit en effet compter avec les députés qui en ont pourtant été exclus. Sylvie Andrieux vote ainsi régulièrement à la place de l’un de ses collègues socialistes absent pour renforcer de deux voix la position du PS. L’exclusion chez les députés socialistes semble donc à géométrie variable…

Plutôt que de mettre fin aux vieilles pratiques, les députés de tous bords ont préféré protéger les absentéistes des scrutins solennels en imaginant, sans doute, que les citoyens continueront à croire qu’un hémicycle à moitié plein peut faire voter plus de 500 députés.

mercredi 19 novembre 2014

Les réformes les plus ambitieuses sur la modernisation de la vie publique sont parfois des plus discrètes : depuis deux semaines, les annonces issues de l’Assemblée nationale comme du Sénat s’enchaînent. Mercredi dernier, le président Bartolone annonçait que le Palais Bourbon se mettrait à l’Open Data en libérant progressivement huit jeux de données [1] essentiels sur l’activité des députés. Hier soir, le président Larcher déclarait, lors d’un reportage de France 2 sur le « vote de groupe », que le Sénat devrait abandonner d’ici le mois de mars cette pratique anticonstitutionnelle. Enfin, en commission des lois ce matin, sur initiative du groupe écologiste, les députés ont profité de la réforme du règlement pour assurer la publicité de leur participation par délégation aux scrutins publics, ainsi que pour entériner le principe de transparence sur le rôle joué par les lobbyistes au sein de l’Assemblée.

Alors qu’il offre une très grande richesse de l’information publiée sur ses activités en comparaison avec ses homologues étrangers, le Parlement français accusait encore un grave retard de transparence sur le cœur même de son activité : le vote des lois par nos représentants. Si ces annonces sont effectivement mises en application, ce sont cinq ans d’intense plaidoyer sur ce thème qui vont pouvoir toucher à leur terme pour Regards Citoyens ! Avec en outre l’ouverture des données de l’Assemblée, deux ans après le travail pionnier du Sénat, la mise en œuvre de ces changements devrait permettre de faire du parlement français un exemple mondial.

Ces avancées rendent cependant plus visible encore le terrible manque de transparence de l’exécutif français sur ses processus de prise de décision. Les citoyens restent trop souvent écartés des négociations relatives à l’écriture des projets de lois, décrets et arrêtés, tandis que les lobbyistes y concentrent l’essentiel de leurs forces, sans qu’aucun effort de transparence sur leurs activités ne soit imposé à l’administration ou aux lobbies. Espérons que l’exécutif n’attendra pas que les députés ouvrent une mission de contrôle sur la question pour suivre enfin l’exemple du Parlement, et assurer la transparence des échanges entre le gouvernement et les administrations, les autres états membres et les représentants d’intérêts.



[1] Les huit jeux qui seront libérés en 2015 par l’Assemblée suite à la décision du Bureau du 12 novembre 2014 :

  • documents parlementaires
  • coordonnées des députés
  • mandats
  • résultat des scrutins publics
  • rattachement des députés à un parti politique
  • utilisation de la réserve parlementaire
  • représentants d’intérêts inscrits au registre
  • personnalités auditionnées par les commissions
  • présences en commission

mercredi 5 novembre 2014

Regards Citoyens fête ses 5 ans ! 5 ans consacrés à créer des projets permettant de mieux comprendre la démocratie et s’y impliquer. 5 ans bien occupés à militer pour une démocratie française plus ouverte et adaptée au numérique. 5 ans passés à accompagner les avancées en matière d’Open Data ou de transparence de la vie publique. Mais de sérieux efforts restent encore nécessaires. Nous les avons synthétisés en 10 priorités.

Suite au lancement de NosDéputés.fr en 2009, notre petite équipe de bénévoles a réalisé plus d’une douzaine de projets : de NosFinancesLocales.fr à La Fabrique de la Loi en passant par NosSénateurs.fr, les opérations de numérisations collaboratives sur le lobbying et les intérêts des parlementaires, les études sur le redécoupage électoral et l’application des sanctions financières de l’Assemblée, ou encore NosDonnées.fr… Cet anniversaire nous offre l’occasion d’une petite rétrospective sur l’ensemble de ces projets en chiffres et en images : plus de 4 millions de visiteurs uniques ont exploré 4 millions d’éléments d’activité parlementaire, 20 000 alertes e-mail de « veille parlementaire » sont envoyées chaque mois, 800 milliards de budget de nos communes ont été cartographiés, plus de 10 000 citoyens se sont mobilisés via nos projets de crowdsourcing, 40 000 modifications de la loi par amendement sont visualisables…

Force de proposition, l’association a également accompagné durant ces 5 années des collectivités locales, des administrations, le Parlement et les différents gouvernements au travers d’un plaidoyer continu pour défendre les principes de l’OpenData et d’une transparence démocratique adaptée à l’heure du numérique : encadrement du lobbying, transparence des institutions, exemplarité des élus… Des progrès notables sur ces thèmes ont été réalisés par les deux assemblées et l’exécutif sous les majorités de droite comme de gauche. Mais beaucoup reste encore à faire !

Nous réaffirmons donc à l’occasion de nos 5 ans 10 priorités pour renforcer la transparence démocratique, l’Open Data et la participation citoyenne, et ainsi prolonger le renouvellement de notre République en une démocratie plus numérique, inclusive et porteuse de confiance :

Renforcer la transparence démocratique pour renouer la confiance avec les citoyens

  • Assurer la transparence des délégations de vote à l’Assemblée et le respect de l’interdiction constitutionnelle des votes de groupe au Sénat.
  • Instaurer un registre obligatoire des lobbyistes commun à l’exécutif et au Parlement permettant d’évaluer leur poids et leur impact.
  • Contrôler les déclarations d’intérêts des élus et des hauts fonctionnaires et les publier sous une forme réutilisable.

Réguler de manière transparente le pantouflage des hauts fonctionnaires, membres de cabinets et anciens élus

  • Développer le réflexe de l’Open Data au cœur de nos administrations.
  • Imposer l’Open Data par défaut aux administrations afin qu’elles fournissent spontanément leurs données sous formats ouverts et licence libre.
  • Publier en Open Data les informations liées aux fonctions des élus, leurs activités électives, le détail de leurs indemnités et leurs liens d’intérêts.
  • Rendre la loi, la jurisprudence, le registre des entreprises et les dépenses et recettes des administrations librement accessibles et réutilisables en Open Data.

Rapprocher les institutions de la société civile pour plus de participation citoyenne

  • Organiser des consultations ouvertes à tous les citoyens dont les contributions et les conclusions soient accessibles à tous.
  • Diffuser systématiquement pour chaque réforme les données publiques relatives pour alimenter le débat public.
  • Garantir le pluralisme des positions exprimées auprès des décideurs publics.
dimanche 21 septembre 2014

À 19h30 vendredi 19 septembre 2014, les services de Bercy ont mis en ligne en catimini les détails d’attribution de la réserve parlementaire pour l’année 2013. Pour la première fois, les chiffres relatifs au Sénat sont désormais transparents. Cette initiative, assez surprenante d’un point de vue calendaire alors que les élections sénatoriales ont lieu dans tout juste une semaine, vient clore une polémique née de l’interpellation de la commission des lois de l’Assemblée il y a dix jours. Le Sénat y avait répondu avec véhémence en renvoyant la responsabilité de la publication sur le ministère du budget. Bercy remplit donc finalement ce week-end la tâche qui lui incombe suite au vote des sénateurs le 15 juillet 2013, lors de la discussion du projet de loi sur la transparence de la vie publique.

Malheureusement, comme le Ministère de l’Intérieur l’an passé, Bercy n’a pas daigné publier ces données autrement que sous la forme de 4 documents PDF, format rendant l’analyse et la réutilisation particulièrement malaisées. Comme à l’accoutumée, Regards Citoyens apporte donc sa pierre à l’édifice en extrayant les données de ces tableaux pour les republier en Open Data sur NosDonnées.fr et data.gouv.fr. Rassemblées et enrichies de métadonnées issues de NosDéputés.fr et NosSénateurs.fr les données sont téléchargeables en intégralité sous la forme d’un tableur (CSV utf-8) afin de permettre à chacun de se saisir de celles-ci.

L’ensemble représente pour l’année 2013 plus de 140 millions d’euros répartis en plus de 17 000 subventions : 6 493 subventions et un total de 53 715 000 € pour le Sénat ; 10 545 subventions et 86 767 000 € pour l’Assemblée.

Pour la première fois, ces données révèlent pour les communes l’année lors de laquelle chaque subvention a été attribuée. Le temps entre l’octroi et le versement effectif de ces subventions permet sans doute d’expliquer certaines lignes surprenantes, faisant apparaître une vingtaine de parlementaires dont le mandat est clos depuis 2012 voire 2007. Jean-Louis Debré, qui n’est plus député depuis 2007 mais président du Conseil Constitutionnel, est par exemple cette année encore à l’origine du versement de plus de 114 000 € de subventions sollicitées entre 2004 et 2007.

Outre les désormais habituelles subventions distribuées par les différents groupes politiques ou la Présidence des deux chambres, les données publiées par Bercy présentent quelques incongruités, et notamment la présence de deux personnalités politiques n’ayant jamais siégé au Parlement ! Jean-Pierre Spilbauer, maire de Bry-sur-Marne, et Jean-Jacques de Peretti, maire de Sarlat-la-Canéda, sont ainsi indiqués par Bercy comme ayant octroyé à leurs villes respectivement 593 000 € (pour des demandes entre 2009 et 2011) et 32 000 € (demandés en 2009). La présence de M. de Peretti est d’autant plus surprenante qu’il est présentement candidat aux élections sénatoriales.

Télécharger les données CSV


Les données agrégées ici visualisées sont disponibles sur ce lien.
Vous pouvez facilement embarquer cette visualisation en ajoutant le code suivant à votre page :

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mercredi 10 septembre 2014

Sous l’impulsion du rapporteur Christophe Caresche et des députés du groupe écologiste, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a décidé que les réformes en matière d’Open Data (accès et réutilisation des données publiques) devront passer par un débat parlementaire.

Nous nous en étions émus en début d’été : cachée au milieu du projet de loi DADUE (un texte habilitant le gouvernement à passer par ordonnance plusieurs dispositions dédiées aux banques et aux assurances), la directive sur l’information publique (PSI) risquait également d’être transposée sans débat parlementaire par le gouvernement. La loi de 1978 sur l’information publique n’aurait pu alors être réformée qu’a minima. Cette décision arbitrée par le Secrétariat général du Gouvernement et les services du Premier ministre fin juin sur la base d’arguments purement administratifs avait surpris jusqu’à Axelle Lemaire, la Secrétaire d’État en charge du numérique.

Le Gouvernement ne pouvait pourtant pas laisser l’administration s’organiser seule en matière d’Open Data. Les enjeux de transparence et de confiance en matière de réforme de l’État nécessitent un vrai débat démocratique : le passage par le Parlement est donc essentiel pour ces réformes. Regards Citoyens félicite les députés qui ne se sont donc pas laissés déposséder de la question : le Parlement devra plancher en 2015 pour transposer la directive et inscrire les pratiques de l’Open Data dans la loi.

lundi 7 juillet 2014

Nous avons assisté ces deux dernières semaines à l’un des plus gros « fail » administratifs en matière d’Open Data : la publication des données juridiques. Alors que l’Élysée et le Gouvernement se sont fortement engagés pour la libération de ces données à l’importance démocratique cruciale, la DILA a trouvé le moyen de plomber totalement l’initiative en transformant ce beau projet politique en un cauchemar juridico-administratif rendant toute réutilisation de ses données quasiment impossible en l’état. Plutôt que de s’appuyer sur les communautés pour l’aider à libérer correctement ces données, la DILA a préféré n’écouter que les lobbies des marchands de données juridiques et reléguer la communauté Open Data au seul rôle de faire-valoir de leurs projets de communication « POC », « DILAb » et autres hackathons pipos.

Grâce à l’intervention en dernière minute du ministère de tutelle, le pire a été évité et 3 jeux de données de la DILA ont pu rejoindre l’Open Data. Reste qu’une petite dizaine de bases, et notamment le Journal Officiel, sont toujours enfermées dans les serveurs de l’État en dépit des engagements politiques. Afin d’éviter de laisser reproduire ce type d’échec, nous prenons l’initiative de publier ce petit guide des étapes à mener et des chausses-trappes à contourner, en espérant qu’il soit utile aux personnes en charge de déminer ce dossier, ainsi qu’à toute administration souhaitant s’inscrire dans une démarche Open Data.

Petit guide à destination des administrations souhaitant basculer du payant à l’Open Data

Ça y est ! Votre hiérarchie, ou mieux encore le gouvernement, a tranché : ces données supposées publiques que votre administration vend depuis des décennies à un oligopole d’acteurs établis doivent désormais rejoindre le monde de l’Open Data et vont enfin devenir librement réutilisables par tous !

Il n’est jamais inutile de le répéter : l’Open Data est clairement défini suivant des standards reconnus dans le monde entier et reposant notamment sur les 10 principes de la Sunlight Foundation et l’OpenDefinition de l’Open Knowldege Foundation (OKFN). Ces principes assurent simplement que chacun soit mis sur un pied d’égalité lorsqu’il s’agit de réutiliser des données publiques : aucune discrimination d’ordre juridique, financier ou technique ne doit pouvoir entraver l’accès de chaque réutilisateur potentiel. Le passage à la gratuité permet donc déjà de lever toute contrainte financière, mais les aspects juridiques et techniques restent encore à sécuriser.

1) Licence : faites le bon choix

En termes juridiques, vous avez un choix simple à effectuer entre les deux licences compatibles avec l’Open Data respectueuses du cadre juridique français imposé par la loi de 1978 et reconnues internationalement : un modèle le plus libéral avec la Licence Ouverte (LO) rédigée par Étalab, qui n’impose aux réutilisateurs que de citer la source des données, et l’Open Database Licence (ODBL) d’OKFN, traduite en français par la communauté en 2010 et adoptée par de nombreuses collectivités locales, imposant en sus de redistribuer les données éventuellement enrichies et préserver ainsi ces biens communs.

Si vos données disposaient déjà d’acheteurs et que vous pensez qu’au vu de leur place prépondérante, la gratuité ne résoudra pas seule le problème de concurrence, vous pouvez mettre en place un mécanisme dit de « double licence » : mise en Open Data d’une part sous licence ODBL permettant à tous de contribuer à l’enrichissement de vos données, et possibilité d’autre part de contracter une licence payante non Open Data pour les acteurs souhaitant « propriétariser » les données en refusant de republier les données mélangées (Google, Microsoft, marchands de données juridiques…) 1.

Dans tous les cas, écrire une nouvelle licence Open Data « maison » comme a essayé de le faire la DILA n’est en aucun cas un choix envisageable : un long travail a été réalisé depuis 4 ans par l’ensemble des acteurs — public, privé et société civile — pour converger vers cet écosystème simple autour de deux licences compatibles à l’international et laissant le choix entre deux modèles politiques. Toute contrainte complémentaire ajoutée au sein d’une licence causerait inéluctablement la sortie du cadre de l’Open Data, promettant votre initiative d’ouverture au rejet et à un échec cuisant.

2) Identifiez les contraintes légales spécifiques

Comme c’est le cas avec le décret 2002-1064 pour les données juridiques de la DILA, d’anciens textes officiels anachroniques pourront parfois vous imposer des conditions ubuesques totalement incompatibles avec ces principes, comme par exemple interdire de concéder de sous-licences et donc limiter la redistribution des données, élément pourtant au cœur de la démarche d’élargissement des biens communs inhérente à l’Open Data.

Si votre programme d’ouverture résulte d’une décision gouvernementale, vous n’aurez aucun mal à obtenir auprès de votre ministère de tutelle un décret corrigeant ces incongruités pour vous permettre d’adopter effectivement l’une des deux licences précitées. Faites donc cette démarche, plutôt que de chercher à tordre et réinventer les licences pour les plier à des contraintes de toute manière inconciliables avec l’Open Data. L’abandon de ces dispositions réduira de plus les risques juridiques pesant sur votre institution : le rapport Trojette a pu le démontrer, il sera extrêmement compliqué de chercher à concilier de telles contraintes avec les dispositions européennes en matière de droit de la concurrence ainsi qu’avec l’article 16 de la loi CADA, qui indique que seules des dispositions d’intérêt général peuvent justifier des restrictions à la réutilisation.

3) Identifiez les contraintes liées aux données personnelles

Si vos données contiennent des informations à caractère personnel, elles sont a priori hors du cadre de l’Open Data. Certaines options restent cependant envisageables notamment si ces données ne sont pas liées à la vie privée des individus. Celles-ci seront alors qualifiées de données nominatives. Comme le récent avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne l’a illustré, les informations concernant des personnes publiques publiées pour des raisons légales, comme par exemple au sein du Journal Officiel, ont par nature vocation à être des données publiques et donc librement réutilisables.

Si aucune base légale n’autorise explicitement la publication de telles données à caractère personnel, la loi de 1978 prévoit deux cas de figure :

  • retirer les informations personnelles de ces données : c’est une opération très simple si vos données sont structurées. Il s’agira dans ce cas d’une part de supprimer les données liées à la vie privée (adresse postale, téléphone, IP, religion ou appartenance syndicale…) pour ne conserver que des éléments à granularité statistique (code postal, département…), et d’autre part de pseudonymiser les noms et prénoms 2. S’il subsiste un risque de violation de la vie privée après avoir effectué ces traitements et que vos données sont des données numériques, il vous faudra assurer l’anonymisation par le respect du secret statistique, en agrégeant les données par paquets 3, par exemple en regroupant les informations par commune ou département.
  • demander l’autorisation aux intéressés : notamment si vous avez une relation contractuelle avec les personnes concernées par les données que vous souhaitez libérer, il ne vous sera pas très compliqué de recueillir leur consentement à la publication des informations les concernant, alors qu’il serait impossible aux réutilisateurs d’endosser la responsabilité juridique et technique d’une telle tâche 4.

Si l’anonymisation des informations fait peser un risque trop fort en termes de violation de la vie privée ou qu’il n’est pas possible de recueillir le consentement des personnes intéressées, votre jeu de données ne pourra pas être publié en Open Data. Il contiendra non plus des données nominatives mais des données personnelles liées à la vie privée, données non seulement totalement exclues du champ de l’Open Data mais dont la réutilisation est strictement interdite par la loi CADA de 1978 5. Si vous vendez déjà ces données, il est plus que temps d’interroger la légalité sinon l’éthique de ce service…

4) Employez des formats ouverts


Sabine Blanc & Doug88888 – CC by nc sa

Pour être réutilisables librement par tous sans discrimination, il est indispensable que vos données soient mises à disposition sous une forme technique correspondant à des standards dont la définition est publique et non soumise aux conditions d’un éventuel propriétaire. Ces formats sont appelés formats ouverts. Il en existe pour tout type de données. Les plus populaires sont : CSV, JSON, XML, SQL, OpenDocumentFormat (ODS).

Puisque vous vendiez auparavant ces données, vous avez de fortes chances qu’elles se trouvent déjà sous l’un de ces formats, comme c’est le cas par exemple pour la DILA. Autrement un petit effort sera probablement nécessaire pour adopter ces formats. Les informaticiens de votre service ou votre Direction des Systèmes d’Information seront certainement d’une grande aide : réaliser de telles conversions à partir de vos systèmes d’informations est dans les cordes de tout développeur informatique. C’est la clé du succès pour la réutilisation de vos données.

5) Faites au plus simple pour la publication

Sur internet, la mise à disposition de données brutes représente des coûts informatiques très faibles contrairement à la création d’interfaces ou la réalisation de traitements. Une simple archive compressée contenant les données mises à disposition sur un site web est suffisante et de nature à endiguer les surcoûts éventuels en termes de bande passante. Disposer de l’ensemble d’un jeu de données est le plus souvent indispensable aux réutilisateurs, et suffisant pour pallier à la création d’une API dont le développement représenterait un coût important de développement et maintenance pour votre institution. Attachez-vous surtout à assurer la mise à disposition sur une adresse url stable au gré des mises à jour. Maintenir un accès aux archives des mise à jours précédentes peut être un plus : ils intéresseront très certainement les chercheurs.

Si votre base de données est conséquente (plusieurs gigaoctets de données) c’est qu’elle contient vraisemblablement des images ou des documents PDF. Si ces documents sont déjà publiés sur Internet, ne les incluez pas à votre jeu de données Open Data et remplacez les par des url absolues pointant vers ces documents. Les réutilisateurs se concentreront certainement dans un premier temps sur la partie structurée de vos données avant de s’intéresser aux documents inclus. Vous pouvez également distribuer ces images ou documents sous la forme d’une archive téléchargeable via des protocoles de répartition pair à pair de bande passante. C’est le choix retenu par Wikipedia, OpenStreetMap, Archive.org mais également la NASA ou le gouvernement britannique pour la diffusion de ces types de données.

Quoi qu’il en soit, l’accès aux fichiers mis en Open Data doit être proposé sous la forme de liens directs de téléchargement, et non derrière une quelconque restriction technique, formulaire requérant une intervention humaine ou collecte de données à caractère personnel sur les réutilisateurs : tout citoyen français doit être capable de télécharger les données de manière anonyme à partir d’une simple url.

6) Oubliez la comm égocentrée

Référencez sur data.gouv.fr vos jeux de données publiés. Disposer d’une vitrine les recensant sur le site de votre propre administration est utile pour multiplier les points d’accès aux données, mais il n’est nullement nécessaire de perdre du temps et de l’argent en investissant dans le développement d’un portail Open Data maison, comme a pu le faire le Ministère de la Recherche via un marché public. La mission Étalab a déjà réalisé ce travail pour vous, profitez-en !

Vous ne publiez pas ces données pour promouvoir qui que ce soit, vous-même ou votre administration, mais pour assurer une mission de service public. L’accès libre aux données publiques pour tous est l’objectif en soi. Si les données ont bien été libérées sous conditions Open Data, les réutilisations arriveront sans doute d’elles-mêmes. Ne perdez pas donc votre temps avant même l’ouverture à préparer des communications, hackathons, sites officiels de réutilisation… Ce n’est pas là que vous êtes attendus et vous risquez de susciter auprès de la communauté des attentes que vous ne seriez pas capable de combler. La tâche d’ouverture est claire et balisée, le reste ne peut et ne doit venir qu’ensuite !

Ce n’est qu’une fois ces actions réalisées que vous pouvez envisager de communiquer. Votre premier réflexe sera alors de prendre attache avec Étalab, si vous ne l’aviez pas déjà fait. De par leurs missions, ils connaissent bien la communauté Open Data et seront à même de vous indiquer le bon moment et les bons moyens pour communiquer. Les jeux de données que vous avez rendus publics vont certainement intéresser des réutilisateurs : n’hésitez pas à valoriser leurs initiatives en les félicitant publiquement par exemple via les réseaux de microblogging ou en les invitant à rencontrer vos équipes en charge de la production des données. C’est par ces échanges avec les citoyens que l’Open Data pourra susciter le plus d’impacts positifs pour votre institution.

Bon courage et à bientôt dans le petit monde de l’Open Data français !

Notes

  1. La préservation des biens communs que sont ces données est un motif d’intérêt général, une telle politique rentre donc parfaitement dans le cadre des dispositions prévues à l’article 16 de la loi CADA. (retour au texte)
  2. la CNIL recommande pour cette étape le recours à des empreintes sha2 des noms et prénoms associés à une constante choisie de manière aléatoire pour le jeu de donnée (retour au texte)
  3. Pour des données sans gros enjeu, les agrégats classique sont de 5 personnes, pour sa base des ménages, l’INSEE utilise des agrégats de 11 ménages (retour au texte)
  4. C’est notamment la solution qu’aurait du conseiller la CNIL concernant la publication des avantages consentis par les laboratoires pharmaceutiques aux professionnels de santé : les conventions liants les laboratoires aux médecins peuvent tout à fait intégrer une clause informant les médecins que les informations nominatives relatives à ce contrat seront librement réutilisables. Libre à eux d’accepter ou non la convention (retour au texte)
  5. II de l’article 7 de la loi dite CADA de 1978 (retour au texte)
mercredi 28 mai 2014

Communiqué de presse de Regards Citoyens, le 28 mai 2014

À l’occasion de la conférence Open Legislative Data, Regards Citoyens rend publique aujourd’hui sa nouvelle initiative réalisée conjointement avec deux laboratoires de Sciences Po : le médialab et le Centre d’études européennes (CEE), et les designers italiens de Density Design : La Fabrique de la Loi.


L’une des visualisations
du projet La Fabrique de la Loi

Cette interface accessible depuis le site LaFabriqueDeLaLoi.fr permet de plonger dans près de 300 projets ou propositions de loi promulgués depuis 2010. Outre la possibilité de représenter dans le temps les différentes étapes parlementaires de la discussion des textes, le site permet de visualiser le détail des modifications d’un texte à chaque phase de la procédure, et d’explorer pour chacune d’entre elles les amendements et les interventions des parlementaires s’y étant investi.

« Les parlementaires font-ils la loi ? » Après ces trois années de travaux sur le sujet, de premières pistes de réponses émergent aujourd’hui grâce à cet outil pour répondre à la question originelle du projet de recherche. On observe ainsi que 74% des textes amendables étudiés ont vu leur texte original modifié à plus de 50%. 61% des textes amendables ont par ailleurs vu leur taille augmenter de plus de 50% après leur passage au Parlement et parmi eux, 65 textes ont doublé de volume suite au travail des parlementaires.

Après une présentation du projet ce matin, la conférence Open Legislative Data, qui se déroule au 28 rue des Saints-Pères à Paris, accueille toute la journée des chercheurs, des hackeurs et des citoyens venant du monde entier ainsi que des représentants du Sénat et du parlement britannique. Elle se conclura à 17h par des keynotes de Bruno Latour, philosophe et Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique.

Pour visiter la Fabrique de la Loi

mardi 29 avril 2014

Mise-à-jour le 15/05 :

Retrouvez l’intégralité de la table ronde du 5 mai entre candidats franciliens aux élections européennes ci-dessous:

Mise-à-jour le 05/05 :

La table ronde sera diffusée en direct sur le site de Numa : http://numaparis.ubicast.tv/lives/numa-r4-event/

La liste confirmée des candidats qui interviendront à la table ronde est la suivante :

La soirée se déroulera suivant ce programme au 4ème étage de NUMA :

Inscrivez-vous sur le site de Numa !


Régulation du lobbying, transparence du processus de prise de décision européen, négociations des traités internationaux, gestion des conflits d’intérêts et du pantouflage, … Les institutions européennes ont encore des progrès à faire en matière de transparence démocratique.

Regards Citoyens et les participants français à la campagne « Politique pour les Peuples » organisent le lundi 5 mai une soirée autour des élections européennes à l’occasion de laquelle seront interrogés des candidats à l’élection du 25 mai sur les politiques qu’ils comptent mettre en oeuvre pour assurer plus de transparence et renforcer la confiance des citoyens dans les institutions européennes.

Des candidats aux élections européennes en Île-de-France dont Pervenche Berès, tête de liste pour le Parti Socialiste, Éva Joly, candidate pour Europe Écologie les Verts, Corinne Lepage, tête de liste Europe Citoyenne, ainsi que des représentants de Europe Démocratie Esperanto, du Front de Gauche, de Nouvelle Donne et de l’UMP viendront répondre aux questions des organisateurs et du public.

La soirée débutera lundi 5 à 20h30 à NUMA (39 rue du Caire, 75002 Paris) et sera retransmise en vidéo sur Internet.

Inscrivez-vous en ligne !

jeudi 6 mars 2014

Fervents défenseurs de la transparence des votes au Parlement, c’est enthousiastes que nous apprenions début décembre que le Bureau allait se pencher sur la question. Nous écrivions donc le 15 décembre au Président de l’Assemblée nationale pour partager notre analyse et rappeler nos propositions pour une vraie transparence des votes et de l’usage des délégations.

Après la décision de semi-transparence adoptée par le Bureau début février, c’est donc déçus que nous recevions finalement une dizaine de jours plus tard une réponse de M. Bartolone explicitant sa position. L’argument principal au cœur de ce courrier est surprenant : la publication des délégations de vote violerait le secret médical. Nous proposions pourtant simplement qu’il soit indiqué si le parlementaire était présent ou s’il avait délégué son vote lors des scrutins pour l’un des motifs d’ordre général prévus par l’ordonnance consacrée de 1958. Cela ne suppose naturellement en aucun cas la publication d’informations d’ordre privé sur le motif par exemple d’un arrêt médical, et c’est une disposition déjà appliquée pour les compte-rendus de commissions au sein desquels est publiée la liste des députés excusés (l’équivalent des délégations de vote).


Exemple de compte-rendu de réunion de commission
indiquant les parlementaires dont l’absence a été excusée.

Ayant le sentiment à la lecture de ce courrier d’une sincère incompréhension de nos propositions, nous y répondons donc aujourd’hui avec ce courrier :

Monsieur le Président Claude Bartolone,

C’est d’abord surpris, puis déçus, que nous avons pu découvrir le 17 février dernier, une semaine après la décision rendue par le Bureau, votre réponse à notre courrier du 15 décembre 2013 concernant les réformes engagées sur la publicité des scrutins de l’Assemblée nationale.

Promoteurs d’une gouvernance ouverte reposant notamment sur la participation citoyenne et la collaboration avec la société civile, nous espérions avec notre lettre pouvoir ouvrir un dialogue en amont de la prise de décision du Bureau. Comme vous le soulignez, notre association est porteuse de propositions précises sur la transparence des votes au Parlement français depuis plusieurs années et nous espérions en conséquence pouvoir apporter des éléments construits dans ce débat. Vous pourrez donc comprendre notre profonde déception répétée, d’abord en découvrant la décision en mi-teinte prise par le Bureau, puis à la réception aujourd’hui seulement de cette réponse.

Une certaine incompréhension de nos propositions semble en effet transparaître dans ce courrier. Comme nous avons déjà pu l’illustrer en nous opposant, comme vous, à la publication des patrimoines des élus, nous attachons une profonde importance au respect de la vie privée de chacun, élus comme citoyens. C’est donc quelque peu surpris que nous avons pu retrouver cette vieille antienne, déjà lue de la plume de votre prédécesseur, concernant un risque supposé de briser le secret médical : rendre publique la simple information démocratique relative à l’usage d’une délégation par un député pour l’un de ses collègues ne signifie naturellement en aucun cas la publication d’informations relatives au motif, par exemple médical, de l’usage exceptionnel des délégations de vote prévu par l’ordonnance de 1958. La publication au Journal Officiel et sur le site de l’Assemblée des listes de parlementaires excusés lors des réunions de commissions illustre bien qu’il est parfaitement possible d’informer le citoyen sans aucunement briser le secret médical.

Comme vous le savez, nous nous réjouissons naturellement de la décision qui a été prise afin qu’enfin, soient rendus publics très prochainement les noms des votants lors des scrutins publics ordinaires. Cependant, contrairement à ce que le communiqué de presse de vos services laisse croire, et comme vous l’expliquez bien plus justement dans cet échange, les modifications réglementaires engagées ne concernent nullement l’usage des délégations de vote. Le seul changement les concernant consiste en effet simplement à déclarer pour la première fois que les règles inscrites depuis 1958 seront désormais respectées, et que le caractère exceptionnel des délégations de vote prévu par la Constitution sera ainsi réellement assuré. Les modifications réglementaires apportées par le Bureau ne permettent pas d’assurer que la pratique de systématisation des délégations de vote gérées par les groupes ne reprendra pas dès la prochaine législature.

Il est donc doublement faux d’affirmer comme cela est inscrit à votre communiqué que le Bureau aurait décidé « de supprimer […] les délégations pour les votes par scrutin public ordinaire » et que « seuls les députés physiquement présents dans l’hémicycle pourront donc désormais voter ». Nous l’avons déjà signifié : le régime des délégations est prévu par la Constitution et son application naturelle. Mais à défaut de pouvoir prendre connaissance de l’usage ou non de ces délégations, citoyens comme députés resteront dans l’impossibilité de s’assurer du caractère effectivement exceptionnel de cet usage et de lever les soupçons déjà survenus si souvent de suspicions de fraude lors de certains scrutins. Impossible également d’exploiter ces informations pour pouvoir mieux valoriser l’activité des députés en hémicycle. Plusieurs parlementaires nous remontent pourtant régulièrement leur désir que notre site NosDéputés.fr puisse tenir compte de leur participation physique aux scrutins en hémicycle et pouvoir ainsi manifester leur investissement.

Les délégations continueront donc bien à se réaliser dans la plus parfaite opacité alors qu’il aurait suffi de compléter de quelques mots le premier alinéa réécrit au 6° de l’article 13 de l’Instruction Générale du Bureau, pour simplement préciser « et le nom du délégué le cas échéant » à la suite du détail des informations publiées pour chaque votant.

Nous étions très enthousiastes à l’idée de la saisie du sujet par le Bureau de l’Assemblée. À la lecture des premières informations encourageantes annoncées sur le site Internet de L’Express nous nous apprêtions à réagir de manière extrêmement positive pour vous féliciter ainsi que les autres membres du Bureau d’une avancée considérable et salutaire en matière de transparence de la décision publique. C’est donc très déçus que nous avons découvert la décision finalement entérinée par le Bureau d’une transparence décidément en demi-teinte.

Avec nos respectueux hommages, et dans l’espoir d’avoir pu, et de pouvoir à l’avenir, mieux nous faire comprendre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Télécharger notre réponse adressée au président Bartolone

mardi 18 février 2014

À l’approche de la transposition de la directive européenne révisée sur la réutilisation des informations publiques (PSI), les parlementaires s’interrogent logiquement sur le mouvement naissant de l’OpenData. Au Sénat, ce sont ainsi deux missions parallèles qui se sont constituées sur la question, d’une part autour de la sénatrice membre de la CADA, Corinne Bouchoux (ECOLO), et Jean-jacques Hyest (UMP), et de l’autre des sénateurs Gaétan Gorce (PS, membre de la CNIL) et François Pillet (UMP).

Après une première audition menée en toute transparence devant les caméras et donnant lieu à un compte-rendu public, nous nous réjouissions de pouvoir reproduire l’exercice notamment devant le sénateur Gorce : ce membre de la CNIL s’était violemment opposé à l’Open Data sur son blog en créant un amalgame entre transparence démocratique et violation de la vie privée.

Cette audition offrait une opportunité de dialogue propice à rapprocher nos points de vue : à Regards Citoyens, nous portons sans doute la même attention au respect des données personnelles que Monsieur Gorce. C’est pour cette raison que nous veillons à ne pas créer de confusion entre OpenData, qui implique de manière très claire l’absence de données personnelles et le respect du secret statistique, d’un coté, et, de l’autre, le « Big Data », ce secteur émergent de « l’économie numérique » qui se nourrit quasi-exclusivement de données à caractère personnel et qui alimente à juste titre d’importantes questions sur le respect par ces entreprises de la vie privée des citoyens. Si cette confusion est logiquement entretenue par les lobbyistes du « Big Data », elle l’est également par les opposants à la transparence démocratique qui abusent du faux prétexte de données personnelles pour refuser d’ouvrir des données absolument non-sensibles.

C’est donc très déçus que nous avons constaté l’absence de M. Gorce sans qu’aucune excuse ne nous soit présentée. Nous adressons en conséquence au sénateur une lettre ouverte accompagnée des éléments que nous avons développés durant notre audition en espérant que notre dialogue manqué pourra s’initier sur Internet.

Télécharger la lettre que nous avons adressée au sénateur Gorce

Monsieur le Sénateur,

Vous nous avez conviés à une audition au Sénat le 29 janvier 2014. Ayant exprimé par le passé des positions assez surprenantes en vous opposant franchement à l’Open Data, nous nous réjouissions que vous nous offriez l’opportunité de pouvoir vous expliquer les motifs de notre profond désaccord avec les positions que vous aviez exprimées et de porter à votre connaissance des éléments qui auraient pu vous faire défaut. Nous avions en effet le sentiment d’observer une forme de confusion entre deux notions assez nouvelles : l’Open Data – cette démarche démocratique mise en oeuvre par un nombre croissant d’institutions pour assurer la libre réutilisation des données publiques, ne contenant donc pas de données personnelles – et le Big Data – cette technologie notamment très utilisée dans le traitement de données personnelles.

Nous avons de bon cœur pris une demi-journée de congés pour pouvoir libérer du temps à nos activités bénévoles. C’est donc profondément déçus que nous nous sommes retrouvés face à votre co-rapporteur M. Pillet sans qu’aucune explication ne nous soit formulée pour excuser votre absence.

Cette audition n’ayant par ailleurs pas été enregistrée au contraire de celle organisée par vos collègues de la mission d’information dédiée aux documents administratifs et aux données publiques, nous nous permettons de vous adresser les quelques notes que nous avions préparées en vue de notre rencontre.

En espérant que ces éléments puissent alimenter vos réflexions personnelles, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de nos meilleurs sentiments.

L’équipe de Regards Citoyens

Notes préparatoires à l’audition de Regards Citoyens par la mission d’information sénatoriale « Open Data et données personnelles »

Des questions nous ayant été soumises en amont de l’audition, nous l’avons préparée en suivant ce canevas.

En guise d’introduction, nous tenons à nous émouvoir du titre de la mission d’information qui vise à créer une confusion entre Open Data et données personnelles. La définition même de l’Open Data est très claire : c’est la libre réutilisation des données publiques non personnelles (des noms peuvent être rendus publics sous des conditions très strictes, dans ce cas, on parle de données nominatives). Si nous comprenons que cet amalgame soit entretenu par certains lobbyistes qui défendent les intérêts d’entreprises qui s’enrichissent en collectant de très nombreuses données personnelles, le fait que des institutions publiques participent à cet amalgamme est très inquiétant.

Les principes retenus par la législation nationale ou européenne en vigueur vous semblent-ils suffisants pour garantir la protection de la vie privée dans le cadre de la mise à disposition des données publiques ?

Une des chances de la France est qu’elle a une des lois les plus protectrices en matière de divulgation des données personnelles. Sauf exception prévue par le législateur, les données publiques mises à disposition pour réutilisation ne peuvent contenir des données à caractère personnel, c’est à dire des données permettant de remonter à une personne (et pas seulement les données d’identification d’une personne). De plus la loi CADA, encadrant la réutilisation de données publiques, prévoit un strict respect des dispositions liées au secret statistique : toute divulgation de données basées sur l’aggrégation de données personnelles anonymisées doit passer le contrôle d’une commission qui veille à ce que la désanonymisation ne soit pas possible. Le dispositif législatif français assure donc que les données librement réutilisables ne contiennent pas de données à caractère personnel.

Quels types de données publiques, construites à partir de données personnelles vous semblent particulièrement sensibles de ce point de vue ?

La définition même de l’Open Data fait une claire distinction entre données publiques librement réutilisables et données personnelles (qui doivent rester maîtrisées par les seuls créateurs de ces données). L’Open Data n’est donc pas un danger.

En revanche, il existe des problèmes de vente de données publiques à des tiers qui ne répondent pas aux critères attendus par la loi :

  • les données liées à la doctrine ou la jurisprudence dont l’anonymisation est confiée aux marchands de données juridiques (LexisNexis, Lefebvre, Lamy…) et dont la diffusion de données non anonymisées n’est absolument pas maîtrisée par les acteurs publics ;
  • les données du système d’immatriculation des véhicules (cartes grises) ont été vendues en toute illégalité pendant des années et la légalisation de leur revente n’a pas réglé le problème de divulgation des données personnelles ;
  • les données carroyées des ménages ont été vendues pendant des années sans que le niveau d’anonymisation soit satisfaisant (donc en méconnaissance du secret statistique). C’est justement à l’occasion des travaux préparatoires au passage en Open Data que ces gros problèmes ont pu être identifiés et finalement corrigés.

Avec ce dernier exemple, on voit que l’Open Data est source d’un meilleur respect des données personnelles en permettant de détecter le non respect des règles en vigueur en termes d’anonymisation et de respect des données personnelles.

Comment est assuré le respect des droits des personnes dans la diffusion et réutilisation plus ou moins directes de leurs données (consentement, opposition, rectification…) ?

La règle est que la diffusion de données publiques implique l’absence d’information à caractère personnel. Il faut faire la différence entre données personnelles et données nominatives. La loi CADA prévoit, pour des raisons d’intérêt général, la diffusion de certaines données nominatives. C’est par exemple le cas des noms des élus afin de permettre à tous les citoyens de suivre leurs activités électives. Dans ce cas, le consentement ou l’opposition ne sont pas à obtenir car il est organisé par le droit. Le droit de rectification reste opposable en cas d’erreur.

Les législations CADA et CNIL vous semblent-elle s’articuler correctement sur la question de la mise à disposition d’informations publiques et de la protection des données personnelles ? Même question s’agissant des régimes spéciaux de publicité légale ?

La hiérarchie des normes offre un cadre d’analyse plus large à la CADA par rapport à la CNIL. En assurant des régimes d’exception clairs à la loi CNIL, la loi CADA assure que la transparence de la prise de décision publique puisse être garantie dans le respect de la vie privée des acteurs impliqués : ce n’est pas parce qu’une disposition prévoit, pour des raisons d’intérêt général, la publication de noms que la vie privée de ces personnes est atteinte. C’est en tout cas ce qu’a prévu le législateur à plusieurs reprises comme récemment en permettant l’usage en Open Data des déclarations d’intérêts des élus à l’occasion des discussions des lois sur la transparence de la vie publique. La CNIL, en prenant des décisions qui ignorent la loi CADA (notamment sur les dossiers liés à la santé comme Sunshine) ne respecte donc pas cette hiérarchie des normes.

Ce qui oppose les démocraties des dictatures dans ce domaine est qu’en démocratie, les prises de décisions publiques sont transparentes (donc l’identité de ceux qui y participent est rendue publique) et la vie privée préservée. En dictature, la vie privée est transparente alors que les décisions publiques sont protégées.

À la lecture de certains avis de la CNIL, et au vu des difficultés que nous avons rencontrées pour les obtenir (nous avons régulièrement recours à la CADA pour obtenir des avis de la CNIL), nous avons l’impression que cette institution a tendance à privilégier l’opacité de la prise de décision publique et la protection d’acteurs puissants (par exemple les laboratoires pharmaceutiques) sur la protection des données personnelles de tous les citoyens.

De quelle manière la politique publique conduite par l’État, les administrations et les collectivités territoriales prend-elle en compte l’ensemble de ces exigences ?

Les données personnelles sont un des arguments majeurs avancés en pretexte pour bloquer les processus de transparences démocratiques à l’heure de l’Internet. Si les technologies actuelles imposent sans nul doute d’assurer à tous les citoyens le respect le plus sacré de leurs informations personnelles, elles permettent également de partager largement les innombrables informations censées publiques constituées par l’administration. Il faut donc cesser d’alimenter la confusion entre Open Data et données personnelles. Si le niveau d’anonymisation n’est pas garanti, il doit être renforcé afin qu’aucune donnée personnelle ne soit divulguée à des tiers à l’exception de l’intéressé.

La réutilisation de données publiques doit être, en revanche, garantie à tous les citoyens et non réservée à une élite, que ce soit à titre gratuit ou onéreux.

Quels sont les dispositifs techniques ou juridiques utilisés pour garantir la protection ou la non-divulgation, à travers l’open data, de données personnelles ?

Le risque de divulgation de données à caractère personnel n’est pas lié à l’Open Data, il est lié à la diffusion de données non-anonymisées ou pseudo-anonymisées, dont la diffusion est généralement discrétionnaire.
Les bonnes pratiques en matière d’anonymisation sont :

  • d’un point de vue juridique : le respect du secret statistique ;
  • d’un point de vue technique : le recours à de la cryptographie (sha1) associée avec l’injection de chaines aléatoires.

Ceux-ci présentent-ils des lacunes ? Pour quelles raisons ? Donner des exemples de failles éventuelles.

Par essence l’Open Data exclut les données personnelles, il n’y a donc pas de tel risque dans ce cadre. La confusion entretenue entre Open Data et données personnelles et le manque d’ouverture de certaines administrations permet en revanche à certains acteurs privés d’avoir des accès privilégiés à des données personnelles de citoyens qui ne devraient pas sortir de l’administration.

Décrire les techniques qui permettent d’exploiter les données publiques anonymisées, pour les ré-identifier ou retrouver à partir d’elles certaines des données personnelles dont elles sont issues. Donner des exemples précis.

Les données publiques libérées en Open Data ne permettent pas la désanonymisation en tant que telles. Seules les données pseudo-anonymisées ou mal anonymisées (donc ne correspondant pas à la définition de l’Open Data) et recoupées avec des données personnelles le permettraient.

L’accès à de nombreuses données personnelles notamment géolocalisées permet de reconnaître des individualités dans des agrégats de personnes ne respectant pas les principes du secret statistique.

L’exploitation de données personnelles permet également de faciliter les techniques dites « brute force » sur les données personnelles pseudo-anonymisées.

C’est donc le manque de contrôle autour des données personnelles qui pose problème et non l’Open Data. Sans possession de données à caractère personnel, remonter aux données personnelles de données pseudo-anonymisées est très complexe.

Décrire les solutions qui peuvent être apportées pour contrer ces possibilités de ré-identification.

Au vu du rôle joué par l’exploitation des données personnelles dans la ré-identification de celles pseudo-anonymisées, les bases de données à caractère personnel devraient être controlées de manière plus effective qu’elles ne le sont actuellement. La loi donne pourtant beaucoup de pouvoir à l’institution en charge, la CNIL. Une meilleure publicité devrait également être faite de la définition de l’Open Data, du bon respect du secret statistique et du bon usage de la cryptographie.

Décrire les dispositifs éventuels de contrôle en matière de mise à disposition de données publiques (audit, procédure de vérification de l’impossibilité d’une ré-identification, contrôle CNIL etc.). Ceux-ci vous semblent-ils performants ?

La commission du secret statistique est peu connue des administrations. Une des manières de rendre cette institution plus visible serait de permettre à plus d’acteurs de la solliciter pour avis, voire de prévoir un mécanisme de saisine.

La CNIL étant déjà surchargée et ayant du mal à faire respecter le droit sur les données personnelles, elle ne devrait pas être impliquée autrement que comme aujourd’hui sur les contrôles des traitement de données à caractère personnel. Elle risquerait autrement d’affaiblir encore un peu plus sa mission première : la bonne gestion des bases de données personnelles.

Lors de la confection de bases de données à caractère personnel, les administrations devraient avoir l’obligation de prévoir que des exports respectant le secret statistique soient possibles.

Comment doivent selon vous se concilier l’intérêt général qui s’attache à la diffusion des données publiques et le principe constitutionnel de protection de la vie privée ?

Ne pas réaliser d’amalgames entre ces deux notions et s’assurer qu’elle soient clairement séparées.

Quelles évolutions des législations CADA ou CNIL sont souhaitables de ce point de vue ?

Il est important d’assurer la claire séparation entre l’accès à l’information publique d’un côté et le respect du droit sur les données personnelles de l’autre : c’est un vecteur de confiance citoyenne qui a démontré son efficacité. Si des institutions devaient être renforcées, il s’agirait de la commission du secret statistique afin qu’elle puisse être saisie plus largement et de la CADA afin qu’elle puisse contre-balancer les avis de la CNIL qui a tendance à privilégier les accès discrétionnaires aux données personnelles au détriment de la publicité d’informations respectant le secret statistique.

Des améliorations de la pratique suivie en matière d’open data sont-elles nécessaires ? Lesquelles et pourquoi ?

L’OpenData a permis de corriger des diffusions de données qui ne respectaient pas la législation en termes de protection de la vie privée et de respect du secret statistique. Il faut donc continuer dans cette voie.

L’audition de Regards Citoyens a eu lieu le 29 janvier 2014. L’association a été auditionnée avec Reflets.info et l’IFRAP

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