vendredi 24 février 2012

Nous reproduisons ici la tribune que nous signons pour L’Express.fr au sujet des réformes nécessaires en matière de transparence du Parlement.

Indépendance, utilisation de l’argent public, activité politique. On demande toujours plus de transparence aux présidentiables. Pour le collectif Regards Citoyens, les parlementaires doivent eux aussi s’y plier.

Par son expérience de l’information parlementaire, Regards Citoyens se confronte au quotidien à de sérieux défauts de transparence, peu dignes d’une démocratie moderne. Trois points liés à l’activité des élus français méritent l’attention des citoyens.

1) L’indépendance politique des élus

L’utilisation faite de l’argent public par les parlementaires se doit d’être transparente. Cela n’est que trop rarement le cas.

Nous le constatons chaque année, par exemple, lorsque nous nous intéressons aux sanctions financières encourues par les parlementaires insuffisamment présents au Parlement. L’Assemblée se refuse à communiquer sur l’application de cette décision censée impulser un renouvellement de la confiance entre les citoyens et leurs représentants.

Ce problème de transparence des indemnités des élus soulève notamment la question de possibles conflits d’intérêt. Un exemple frappant est le reversement des indemnités de fonction en cas de cumul des mandats: un élu ne peut percevoir plus d’environ 9 000 euros d’indemnités cumulées. Le cas échéant, il est cependant libre de reverser le surplus à d’autres élus au sein des exécutifs auxquels il siège.

Là, aucune règle de transparence ne s’applique. Il n’est pas possible de savoir qui reçoit de l’argent d’un autre élu, ni combien. Alors que la constitution indique que « tout mandat impératif est nul », des élus se retrouvent quasiment salariés par d’autres de leurs collègues. De vrais problèmes d’indépendance se posent donc: si tel élu reçoit plusieurs centaines d’euros tous les mois de la part de tel autre, peut-il refuser de lui apporter un soutien politique sur certains sujets?

2) L’opacité administrative des chambres du parlement

Le fonctionnement de l’Assemblée nationale et du Sénat repose sur des administrations assez opaques. Le budget de l’Assemblée nationale est strictement confidentiel, et aucun journaliste n’a jamais réussi à consulter le rapport commandé par le président Accoyer à la Cour des Comptes sur son fonctionnement. Si la nouvelle présidence du Sénat a annoncé des changements prochains en son sein, les chiffres fournis sur son budget ne sont toujours pas fiables.

Les deux chambres du parlement ne respectent donc pas les règles auxquelles toutes les autres administrations publiques ou les entreprises cotées en bourse sont astreintes. On ne dispose par exemple d’aucune information sur l’utilisation par les parlementaires des différents moyens financiers mis à leur disposition.

Ainsi la « cagnotte parlementaire », qui permet de financer au plus à hauteur de 50% des projets au choix des élus, repose sur des enveloppes allouées aux élus selon des critères arbitraires et sans aucun suivi public, alimentant de fait les polémiques. La transparence autour de ces financements pourrait pourtant apporter de la visibilité aux projets concernés.

3) Les votes personnels des députés et sénateurs

A l’Assemblée Nationale comme au Sénat, il est impossible de connaître le détail des parlementaires ayant pris part à un scrutin public, ni le détail de leurs votes.

Au Sénat, la situation est même anticonstitutionnelle. Un sénateur peut se retrouver à voter, seul, pour l’intégralité de son groupe-qui peut représenter plusieurs centaines d’élus- alors que la constitution limite très strictement les délégations de vote à un seul élu. Mais aucune volonté politique ne se manifeste pour remettre cet état des choses en cause. Alors que l’Assemblée a explicitement limité les délégations de vote à un député dès 1993 sous la présidence de Philippe Seguin, la droite sénatoriale n’a jamais agi quand elle était majoritaire. Alors que le Sénat a basculé à gauche, les élus socialistes ont refusé eux aussi de voter la limitation des délégations de vote. Mesure pourtant inscrite par le parti socialiste dans son projet présidentiel pour 2012.

A l’Assemblée nationale, on ne peut pas plus savoir si son représentant était présent au moment d’un vote, ni quel était son vote le cas échéant. Il n’y a pourtant pas d’obstacle technique: le vote est électronique et les données sont conservées par l’Assemblée. Mais pour l’immense majorité des votes, seules des informations très incomplètes sont publiées.

Selon la Constitution, le travail principal des parlementaires est « de voter la loi ». Force est de constater que la transparence démocratique autour de cette tâche centrale de l’activité des députés et sénateurs n’est pas au rendez-vous.

De nombreux défis s’offrent donc à la France pour atteindre les critères de transparence attendus d’une démocratie moderne. Espérons que les échéances de 2012 puissent ouvrir ces débats pour voir adopter rapidement les réformes attendues par de nombreux citoyens sur le sujet.


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